Vietnam

Chapitre 2 : Violence psychologique

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Max vient de s’arrêter le long d’un trottoir quelque peu déchaussé. Sur un coin de celui-ci, plusieurs parasols et tables de fortunes sont déposés. En  face se trouve un petit établissement qui sert des boissons fraîches. Je descends de la moto et regarde autour de moi afin de me repérer. Bonne nouvelle, nous sommes toujours dans le centre-ville. En effet, il me semble reconnaître le quartier dans lequel mon hostel est situé. Mon mystérieux conducteur claque des doigts et deux Vietnamiens cloîtrés à l’intérieur du « bar » ramènent des petites chaises en plastique coloré. Au Vietnam, ces dernières sont  quasiment empilées à tous les coins de rues où l’on peut trouver de quoi manger.

-Tu aimes le café ?, me questionne Max subitement

Je réponds un timide “oui”, même si ce n’est pas mon kiff. Il s’adresse alors à la serveuse en me pointant du doigt. Il fouille ensuite dans la poche de sa veste de motard et me tend une cigarette provenant de son paquet déjà bien entamé.

-Non merci, je ne fume plus depuis longtemps, lui répondis-je avec un geste de la main

Il s’empare alors de la cigarette, la porte à ses lèvres gercées, l’allume et tire une grosse bouffée de nicotine. Max sourit de nouveau et me sort une photo légèrement pliée qui était logée dans son portefeuille en simili-cuir.

-C’est ta famille ? Lui demandais-je

-Oui, là c’est ma femme et nos trois enfants. Tu les trouves comment ?

-C’est une belle famille que tu as là, répondis-je un peu forcé suite à sa demande.

-Ils ont besoin que je ramène de quoi manger à la maison tous les jours, ce n’est pas facile. Oh, s’exclame-t-il, voilà nos cafés.

La serveuse revient et nous dépose avec précipitation deux cafés dans lesquels flotte un énorme glaçon rectangulaire. Max agrippe son verre et me fait un signe de la tête afin que j’attrape le mien. Je m’en empare et déguste, pour la première fois, un café glacé. “Pas dégueu”. Je suis plutôt étonné, je n’en bois généralement que pour tremper mes biscuits au chocolat. Max farfouille de nouveau dans la poche de sa veste de motard et me tend pour la seconde fois une cigarette.

-Non merci, je ne fume pas, lui signifiais-je une une fois encore en ajoutant un geste de la main

Max ne réagit pas et continue d’agiter la cigarette devant mes yeux. J’incline la tête de gauche à droite, je n’en veux pas. Soudainement, son visage se ferme et il me lance : « C’est malpoli de refuser, on n’aime pas ça au Vietnam ». Je me sens mal à l’aise et prend finalement sa cigarette en le remerciant. A peine l’ais-je allumée, il enchaîne sur une autre sujet et me demande si je suis marié.

Max accompagné d’un backpacker : amitié ou arnaque ?

-Non, c’est un peu trop tôt selon moi, plaisantais-je, je me vois plutôt…

-Tu veux que je te montre quelques coins sympas, me coupe-t-il, Les Vietnamiennes sont très jolies tu sais, elles sont intéressées par les gars dans ton genre

-Haha, c’est gentil, mais ça ira pour le moment. Je viens juste d’arriver et ça me plairait de rencontrer…

-Tu veux des champignons ? Me réplique-t-il abruptement

-Non merci, rétorquais-je sèchement en me rendant compte que mon interlocuteur ne fait que des monologues, tu peux déjà commencer par me dire combien coûte l’excursion privée par exemple

-C’est 2 millions de dong

-Ouch, c’est quand même beaucoup plus cher que les 40.000 de mon agence, lui répondis-je étonné par ce prix exorbitant, je pense que ça dépasse mon budget

Il sort alors de nouveau la photo de sa famille dans sa poche et me répète qu’il doit bosser beaucoup pour les nourrir. Je suis un peu mal à l’aise. Je n’aime pas les méthodes de Max, mais j’essaye de me mettre à sa place et me dit que 75 euros au final, « ce n’est pas grand chose”. Foutue empathie, je me torture l’esprit. Je finis par accepter sa proposition en misant sur son expérience de guide et sur un moment spécial dont je me souviendrais toute ma vie. Cependant, je lui réponds du tac au tac que je n’ai pas beaucoup de cash sur moi. Max se lève sans finir son café et me dit :

-On va aller à l’ATM (distributeur de billets) comme ça tu peux me donner déjà un acompte

-Un acompte ?

-Bha oui, au moins 800.000, ça serait bien. Comme ça, je peux déjà nourrir ma famille ce soir

-Okay, d’accord, acceptais-je à contrecœur 

-Tu dois encore payer les cafés, me rappelle-t-il alors qu’il enjambe déjà sa moto

J’écarquille les yeux, tout en tendant un billet à la serveuse. “L’abus”, m’exclamais-je intérieurement. Je ne sais pas pourquoi, mais le sourire complice de la serveuse et des deux hommes présents autour du café me met particulièrement mal à l’aise. Je me sens bloqué et pas du tout confiant.  La peur de juger, de perdre la face m’envahit. Je monte machinalement sur la moto en n’y croyant pourtant plus. Max me conduit alors vers un ATM. “Je t’attends juste devant”, m’explique-t-il en laissant tourner le moteur de sa bécane. Je me faufile dans la petite cabine en verre climatisée et réfléchis longuement en insérant ma carte. “Et si je lui disais que je n’avais pas d’argent ou que je ne me souviens plus de mon code ?” Je rigole nerveusement car je sais que cela ne va pas marcher. Je retire les 2.000.000 de dongs et lui tend une liasse de billets pour l’acompte. « Voilà 800.000, comme convenu« , ajoutais-je. Il me sourit en me remerciant et me signifie que l’on partira “demain matin tôt” et me ramène à mon hostel. Bien entendu, je lui demande son nom, son numéro de téléphone et le questionne sur notre point de rendez-vous. Il me montre un bar et me dit de l’attendre demain à 9h. « Si j’étais toi, j’irais faire la fête ce soir, il y a moyen d’avoir pas mal de drogues là-bas« , déclare-t-il en me donnant un coup de coude dans les côtes. Je souris, mais n’ai qu’une hâte me libérer de son étreinte.

Le point de rendez-vous

Toute la nuit, je n’ai eu de cesse de penser à ce qu’il s’était passé. Me suis-je fait arnaquer comme un bleu ? Je consulte son Facebook et aperçois plusieurs photos de lui en compagnie de backpackers. J’essaye de relativiser et prie pour que je ne sois pas le dindon de la farce.

Le lendemain, je me rends au point de rendez-vous et patiente avec anxiété. Un peu pour mon ego, ça me ferait bien chier de m’être fait plumer, et aussi pour mon argent. “Ce n’est pas grand chose non plus”, me rassurais-je. Une heure passe et Max n’est toujours pas là… Je commence à désespérer, le signale sur Facebook comme un arnaqueur et en profite pour expliquer mon cas à d’autres backpackers.

-Haha, bienvenue au Vietnam ! Me lance l’un d’eux, ne t’inquiètes pas, on s’est tous fait avoir au moins une fois ici. C’est tes premiers jours ?

-C’est mon deuxième ouais…

-Courage en tout cas, mais méfie-toi. Les arnaques sont fréquentes, en particulier si tu es seul !

Je soupire et remercie tout de même le type pour son honnêteté. Peu après, alors que j’étais toujours assis sur les marches branlantes du café, je me  rends compte que mon téléphone est toujours à l’heure taïwanaise. Je me suis levé une heure trop tôt, je dois encore attendre quelques longues minutes avant que Max n’arrive. Une moto vrombit au loin, c’est lui. Il est là en temps et en heure. Il s’arrête net et me tend un casque. “C’est parti, monte !” Je prends une bonne inspiration avant de grimper sur sa moto. « Pourvu que je ne tombe pas dans un traquenard…« 

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