Canada

Chapitre 14 : Délivrance

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Mes parents ont obtenu très rapidement une prescription pour une gastroscopie. A mon tour de jouer ! Il est plus que temps pour moi de prendre rendez-vous en Belgique pour effectuer cet examen. Après plus de six mois à souffrir de maux d’estomac, tous les jours, je n’en peux plus. Nous sommes le 26 décembre et j’utilise mon abonnement Skype en plein milieu de la nuit afin de contacter un centre médical en Belgique. Après quelques sonneries, une voix aimable me répond. J’explique en quelques minutes ma situation et demande à prendre un rendez-vous.

-Oh je suis navré monsieur, mais nous n’avons pas de rendez-vous avant le 3 janvier…

J’éclate de rire, provoquant l’incompréhension de mon interlocutrice.

-Monsieur ? M’interroge-t-elle.

-Excusez-moi, mais ici au Canada, on ne me propose pas de rendez-vous avant six mois à un an. Je suis épaté que vous vous excusiez pour si peu ! Est-il possible de prendre rendez-vous pour début février ?

-Ha ? Vous êtes bien la première personne qui me demande de prendre rendez-vous plus tard.

Une boîte de pralines accompagnée d'une carte avec un "Joyeux Noël" dessus

Surprise, mon boss m’a offert une boîte de chocolats pour les fêtes !

En effet, malgré mon inconfort digestif, je me suis engagé auprès de mon boss afin de remplacer le chef principal, parti aux Philippines pendant deux mois. Je tiens à respecter ma promesse, même s’il s’agit de ma santé. Je sais qu’ils ont besoin de moi et je ne suis pas du genre à reculer face à l’adversité. Je prends finalement rendez-vous le 7 février afin de prévoir un retour éclair en Belgique, afin de me faire soigner convenablement. Désormais, je dois prendre mon mal en patience.

Un chat regarde par la fenêtre. A côté de lui se trouve un sapin de Noël éclairé

La période des fêtes n’est pas la plus évidente à vivre lorsqu’on doit se restreindre.

La période des fêtes est très compliquée à gérer. Je croule sous le travail (210 heures au total pour le mois de décembre), et je vois de nombreuses tentations me passer sous le nez. Celles que j’ai refusées: cookies maison, sauces en tout genre, pâte feuilletée, chocolat. Je craque, à plusieurs reprises, épuisé par cinq mois de régime strict. Je culpabilise, me dégoûte, finit par m’en vouloir et m’imagine le pire. Qu’importe, je ne peux pas continuer comme ça. Je finis par éviter la salle à manger pour ignorer les tentations, refuse de passer le réveillon dans la famille d’Indra pour ne pas nourrir ma frustration et ne pas exacerber mon angoisse concernant la nourriture. 

2023 pointe le bout de son nez. Je n’arrive pas à me réjouir, toujours bloqué par la perspective d’une santé en dents de scie. Il me tarde d’être en février et d’enfin mettre un nom sur ce que j’ai. Les journées au boulot deviennent pénibles, je perds la motivation que j’avais un tant soi peu retrouvée au cours du mois de décembre (l’adrénaline de devoir gérer la cuisine du restaurant et de prouver mes capacités m’ont grandement aidé).

Calgary illuminée la nuit par les guirlandes électriques, accompagné par un coucher de soleil

Le paysage me permet de trouver un peu de réconfort pendant les fêtes.

Alors que je m’apprêtais à aller au boulot, je reçois, le 10 janvier, un coup de fil improbable: il s’agit du service de gastroentérologie d’un des hôpitaux de Calgary. Une place s’est libérée pour la semaine prochaine. Je reste bouche bée et immobile pendant qu’on m’explique la suite des procédures. Je reçois quelques minutes plus tard un mail avec les indications et la confirmation de mon rendez-vous. Je n’arrive pas à y croire, j’ai presque envie de pleurer de joie. 

Le réveil est plus facile qu’à l’accoutumée, bien qu’il ne soit que 7 heures du matin. Indra me conduit jusqu’à l’hôpital. Un peu nerveux, je me dirige à l’accueil et suis rapidement orienté vers le sous-sol où se trouve le département de gastroentérologie. Je suis vite pris en charge, me déshabille dans un coin, enfile la blouse de patient ouverte déposée sur le lit et me couche. Une infirmière effectue un premier bilan et s’assure de mon historique médical. Elle m’administre un calmant et m’explique que je serai à moitié conscient durant la procédure. J’essaie de me détendre en comparant mon état à ceux des autres patients. Je peux les entendre parler de leur bilan. J’entends “sang dans les selles”, “douleur aiguë », “vomissements, « diarrhée ». Je relativise sur mon cas et parvient à me calmer. Je suis alors embarqué sur mon lit d’hôpital, quelque peu étourdi. A peine arrivé, je suis rapidement mis à l’aise et plaisante avec l’assistante. Tout va bien jusqu’au moment où on m’enroule un élastique autour de la tête avec un embout rond à mordiller. Je constate, avec frayeur, la taille imposante du tuyau qui va voyager dans mon œsophage et mon estomac. Un sédatif m’est administré et on me demande de respirer calmement. 

lit d'hôpital dans le service de gastroentérologie de Calgary

C’est enfin l’heure de la gastroscopie après des mois d’attente !

J’ouvre les yeux, près d’une heure et demie plus tard. Je n’ai aucun souvenir de ce qu’il s’est passé. Je n’étais absolument pas conscient et n’ai même pas réalisé que je m’endormais. La procédure s’est bien déroulée, je n’éprouve pas de douleurs particulières, mais je suis encore un peu dans les vapes. On me remet le rapport et on m’explique que tout est parfait, mais que j’ai une petite diverticule au niveau de l’estomac. Des échantillons ont été prélevés et envoyés au laboratoire pour analyse. J’aurai les résultats d’ici dix à douze jours. Je constate que l’ulcère du duodénum que l’on m’a diagnostiqué depuis Montréal n’a en réalité pas lieu d’être. J’ai été soigné depuis cinq mois pour une pathologie que je n’ai pas et qui aurait pu être vérifiée en dix minutes de procédure. J’ai suivi un régime riche en fibres, ce qui est à éviter en cas de diverticule. Le comble ! Une des raisons pour lesquelles je ne parvenais pas à guérir malgré le respect de ce régime strict. Je me sens déjà rassuré et réalise que je n’étais donc pas fou ! J’avais bel et bien quelque chose à l’estomac. Première étape franchie: mettre un nom sur mon mal. Deuxième étape: attendre d’avoir un traitement adapté. Après cela, je peux enfin m’autoriser à souffler, à réapprendre la patience et serai prêt à faire autant d’efforts qu’il le faut pour guérir.

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