Canada

Chapitre 4 : De rouille et d’espoir

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J’ai envie de me rassurer sur l’état de la voiture avant d’entreprendre un road-trip avec l’un de mes potes. Ce dernier est censé arrivé d’ici deux semaines, c’est le moment idéal pour une petite visite chez le garagiste. Après avoir galéré pour en trouver un qui accepte d’inspecter mon véhicule sans rendez-vous, je confie ma caisse à Thunder bay. Une heure après, la réceptionniste me téléphone et me dit que mon van n’est pas sécuritaire, qu’il risque de se disloquer en cours de route. Je tombe des nues et me rend immédiatement au garage.

une facture compilant une longue liste de problèmes mécaniques. La partie liée à la rouille a été surlignée en rose "unsafe to drive"

La liste des problèmes est mineure, mais la rouille rend la bagnole dangereuse !

Une fois sur place, l’employée me présente à Tony, le garagiste qui s’est occupé de ma voiture. Il pointe avec une lampe de poche la rouille, très présente, en dessous du véhicule qui est surélevé par une machine. Jusque-là, je ne m’étonne pas, mais de là à être qualifié de « pas sécuritaire »… Je ne pensais pas en arriver là. Je demande au garagiste s’il peut réparer, mais il me dit que non. Je lui demande ce qu’il ferait à ma place.

-Vous comptiez allez où ?

-Je voulais faire un road-trip jusque Vancouver….

-A votre sa place,  je continuerai le trip jusqu’au bout. Et je la revendrai là-bas.

-Okay, merci ! Répondis-je quelque peu confus.

Je quitte le garage à bord de « ma poubelle’ et me gare directement sur le coin de la rue. Je commence à m’inquiéter et imagine des tonnes de scénarios qui finissent tous par engranger des complications. Avec la venue prochaine de mon pote, comment faire ? Mettre mon van à la casse prendre un avion et louer une voiture pour que nous puissions faire le road-trip ? Est-ce que je continue avec le van en mettant ma sécurité et celle des autres en danger ? Comment déplacer mes affaires et tout ce que j’ai investi dedans ? Je me décide de vendre ma voiture à la casse le plus rapidement possible. Je regarde quelle est la “grande” ville la plus proche. Il s’agit de Winnipeg, qui est à 5h de route. C’est une  véritable angoisse au cours de la conduite. Je fais attention, évite au maximum les trous, bosses et autres parcours accidentés, mais je ne suis pas rassuré. Les autoroutes en Ontario ont une limite à 110km/h, donc je peux pas rouler à 80 comme c’était le cas au Québec.

Le dessous du van est littérallement rongé par la rouille, mais il s'agit principalement du contour de la voiture.

La rouille est un problème presque inévitable pour les habitants de Montréal, et du Québec en général.

Une fois arrêté à mi-chemin pour passer la nuit sur une aire d’autoroute, je décide de poster un message sur un groupe Facebook dédié à la vie en van au Canada en leur expliquant ma situation. Les réponses partent dans tous les sens, d’un extrême à l’autre: « Conduis avec jusqu’à ce qu’elle se brise en deux« , « Tu vas mourir« , « Ne ramène pas des véhicules rouillés au Manitoba !« . Parmi ce flot de réponses, deux personnes se proposent de m’aider. Elles sont toutes les deux à Winnipeg. J’ai encore 3 heures 30 de route pour y parvenir, sain et sauf qui plus est !

une conversation sur Messenger

J’ai pris soin de les contacter personnellement après qu’ils m’aient offert leur aide.

Après quelques frayeurs, je parviens à Winnipeg. Je n’ai pas le cœur à explorer la ville, j’attends patiemment midi pour aller voir Max, l’une des premières personnes ayant proposé de m’aider. J’arrive sur place devant une maison un peu délabrée. Un chien, attaché un piquet, se met à aboyer, provoquant un écho insupportable. Une porte s’ouvre brusquement vers la cour du jardin, qui longe l’endroit où je me suis garé. Un homme bizarre en sort, torse nu, avec un jogging tombant qui dévoile le haut de son sexe. Je détourne mon regard en me demandant si j’ai fait le bon choix en venant ici. Il s’agit bel et bien de Max. Il hurle d’abord sur son chien avant de rentrer chez lui passer un T-shirt et attacher son pantalon, Dieu merci…

-Salut Max, je suis Sébastien ! Encore un grand merci pour…

-Tu fumes de l’herbe ? Me questionne-t-il.

-Pas besoin,n ma caisse est déjà assez défoncée comme ça ! Répondis-je un peu gêné par cette présentation.

Max rigole de bon cœur, laissant apparaître une seule dent au niveau de sa mâchoire supérieur. « Moi c’est mon rituel, chaque matin« , plaisante-t-il. « Et pas que !« , pensais-je en souriant nerveusement. Bien que son apparence soit un véritable facteur de stress, je reprends mes esprits et lui explique calmement ma situation. C’est assez surprenant, mais Max semble s’y connaître. Il regarde en dessous de mon véhicule et me rassure quant à l’état général. “J’ai vu des caisses bien pire que celles-là niveau rouille ! Et je les conduis en plus !” Quand je l’interroge sur les propos confus du garagiste, il me répond que celui-ci a « laissé parler son cœur » en me disant de conduire jusque Vancouver. Selon lui, pour les standards de la province, la voiture est “unsafe” car il est tenu, en partie à cause de son métier, de me dire cela. Il ne peut pas affirmer le contraire. Je demande à Max ce qu’il ferait à ma place. Il m’explique que son but est de racheter des épaves, prendre des assurances, les accidenter, récupérer l’argent de l’assurance et les mettre à la casse. C’est comme ça qu’il gagne sa vie. Malheureusement, ma caisse est encore en « trop bon état pour ça« , plaisante-t-il. Au-delà de son apparence, je sens une véritable fragilité et sensibilité émaner de lui. Il est sincère lorsqu’il me donne des conseils et cherche véritablement à m’aider. Il me file également des tuyaux concernant les comportements des automobilistes par province. “Ceux du Saskatchewan roulent très lentement, au Manitoba on n’utilise pas de clignotants et en Colombie Britannique, ils roulent comme des malades !” Après une bonne heure de discussion, je quitte Max pour partir à la rencontre de Duke. Lui et sa femme Caroline travaillent pour des entreprises automobiles. Caroline bosse justement chez Dodge, la marque de ma voiture ! Elle s’est informée au préalable auprès de son boss concernant mes soucis et elle me rassure directement sur l’état général et la fiabilité de la voiture sur certains points. Duke a un cric pour soulever la voiture et regarde en dessous.

-La voiture ne va pas se désintégrer sur l’autoroute, rassure toi. Il faudrait un gros choc, rouler à 100 sur une bosse ou se prendre un méchant trou ! Explique Duke en faisant redescendre ma bagnole avec précaution.

-L’idéal pour moi serait au moins de l’utiliser encore quelques semaines, et puis la mettre à la casse. Je pense qu’il sera compliqué de la revendre ailleurs au vu de l’état avancé de la rouille sur le véhicule.

-Aucun souci, ça tiendra encore des semaines et des semaines ! Ne t’inquiètes pas!

de la rouille sur l'aile arrière de la voiture

Même à l’extérieur, le van semble s’effriter avec les intempéries. Il y a peu de chances qu’il survive en hiver…

Je les remercie chaleureusement, échange mes coordonnées avec eux et visite leur van aménagé. Un petit bijou technologique en comparaison avec mon « épave ». Avant de me remettre derrière le volant, ils me demandent de quoi parle mon blog. Je leur explique que je cherche à mettre en avant des choses qui me surprennent, des différences culturelles, des anecdotes, mais également les personnes que je rencontre. Au niveau du Canada, je leur explique avoir été très étonné par l’aspect religieux. En effet, sur la route, j’ai dénombré beaucoup d’affiches très accusatrices (« Comment faire pour être sauvé ? En reconnaissant Jésus Christ comme sauveur« ), des stations de rock chrétien où l’on chante la gloire de Dieu à tout va, des missionnaires dans les rues, etc. Il faut dire qu’à la même période, le pape François est en pleine visite au Canada. Il était présent pour s’excuser auprès des populations autochtones. Ces dernières ont été victimes d’abus sexuels dans des pensionnats qui étaient gérés par l’Eglise. Des excuses ont été prononcées, mais pour les survivants présents, ce n’est pas suffisant. Ils attendent des gestes forts de la part du souverain pontife. C’est un premier pas dans la bonne direction, mais il nécessite des actes concrets pour la plupart des victimes.

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