Canada

Chapitre 12 : Pile ou Face

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Alors qu’il faisait 23 degrés il y a encore deux jours, le décor change brusquement à Calgary.

Les premières chutes de neige font leur apparition et elles sont conséquentes: entre 15 à 20 cm ! La température est à -5°, ressentie comme -16°. Cela symbolise officiellement le début de “l’hiver” alors que nous sommes toujours en automne. Qu’importe, “cela arrive plus tard que d’habitude” me signale-t-on, “en règle générale la neige arrive déjà fin septembre.” J’ai été épargné jusque-là avec des températures clémentes et un ensoleillement permanent. A la vue des premières chutes de neige, je décide de me raviser sur le deal que j’avais passé avec Indra, ma colocataire. Je suis prêt à payer quelqu’un pour déblayer la neige ! En effet, cela aurait impliqué que je dégage l’allée du garage et le trottoir entre deux à trois fois par jour pour éviter de nous retrouver avec une quantité dingue de poudreuse. Pourquoi autant ? Parce qu’Indra l’exigeait, sauf que je ne peux être à sa disposition autant de fois par jour. Le deal est accepté et ne me revient qu’à 400$ pour 8 mois. Hé oui, les dernières chutes de neige arrivent jusque fin avril, voir début mai. Un régal ! A cette occasion, bien évidemment, j’avais prévu le parfait accoutrement: culotte thermiques, gants, bonnet, pantalon d’hiver, bottes, écharpe et, lorsque le vent vient frapper le visage, un masque “Covid”. En effet, c’est le seul accessoire que j’avais à ma disposition pour protéger mon nez et une partie de mon visage. Sinon, gare aux brûlures causées par le froid !

habillé chaudement pour sortir dehors avec une veste rembourrée bleue, des bottes, des gants, un bonnet, une écharpe

Je suis prêt à affronter le froid !

Les bourrasques glacées ne pardonnent pas. Le moindre centimètre de peau exposé au grand jour est en proie à l’agression extérieure. En outre, cela demande un peu plus de timing et d’organisation. Il est nécessaire d’arriver plus tôt au boulot car il faut prendre en compte le temps pour retirer ses couches supplémentaires, changer ses bottes pour ses chaussures de travail, etc. C’est la même chose pour se préparer à rentrer à la coloc, cela rajoute presque cinq minutes supplémentaires ! A mon grand étonnement, ce début d’hiver est plutôt acceptable. Alors oui, il fait parfois froid, mais je n’ai jamais été aussi bien équipé qu’au Canada. Le froid est donc beaucoup plus supportable qu’à l’accoutumée. Le froid étant sec, il est également plus appréciable de se balader et de marcher dans la neige avec le soleil comme toile de fond. En Belgique, l’hiver humide et le manque de luminosité n’invitent pas à la flânerie et aux balades impromptues. 

le jardin esty recouvert d'une épaisse couche de neige

Le tapis de neige promet une marche intense jusqu’au restaurant !

Mon rendez-vous chez le médecin tombe, bien évidemment, un jour où la neige est particulièrement abondante. Ayant accepté le premier rendez-vous que l’on m’a proposé, je constate avec dépit que son cabinet est situé à l’opposé de ma colocation. Il est à l’est de Calgary, à proximité de l’aéroport, à savoir presque 20 minutes en voiture d’ici. Probablement plus long, si l’on prend en compte l’état des routes. Je commande un Uber, qui galère à arriver, mais qui m’accompagne à temps et en heure chez le médecin.

Depuis la Covid-19, ils manquent de personnel et n’ont le temps de se consacrer qu’aux problèmes les plus graves.

Une fois mon tour venu, on me demande d’attendre dans une salle. Le médecin arrive alors et me demande d’expliquer mon problème. Je sors  mon mémo, retraçant l’historique des mes diagnostics ainsi que les médicaments que j’ai dû prendre. Je lui explique qu’une gastroscopie serait probablement la meilleure chose à faire.

-Je vous arrête tout de suite… Débute-t-il en levant sa main droite, si vous saviez le nombre de patients qui ont été remballés par les gastroentérologues que je leur ai conseillés. Si ce n’est pas quelque chose de grave, comme un cancer par exemple, ils me reviennent tous avec un diagnostic de SCI (Syndrome du Côlon Irritable) sans faire d’examen.

-Mais comment cela se fait ? M’exclamais-je confus.

-Depuis la Covid-19, ils manquent de personnel et n’ont le temps de se consacrer qu’aux problèmes les plus graves.

-Ouais, donc tant que je ne crache pas du sang devant eux, ça ne marchera jamais, rétorquais-je d’un ton sec.

-Haha, oui c’est un peu ça ! S’esclaffe le médecin, surpris par ma réplique.

Empathique, il tente de me rassurer. « Nous allons procéder par le commencement, afin d’éliminer toutes les possibilités”. Il me propose d’aller faire une prise de sang afin de vérifier que tout va bien, de remplacer mon médicament par un autre IPP, à prendre un jour sur deux pour “éviter le phénomène de rebond d’acidité”, et d’aller consulter un spécialiste qui jouerait le rôle d’intermédiaire entre le gastroentérologue et lui-même. 

-Cette personne vous rappellera et fera les tests nécessaires. Si rien de convaincant ne ressort de lui, il sera plus à même de faire une recommandation à un gastroentérologue. Il sera plus susceptible d’accepter de vous faire une gastroscopie si vous avez déjà éliminé plusieurs options.

J’accepte sans rechigner, aimant l’approche franche du médecin ainsi que son investissement. J’en viens presque à espérer ne pas devoir faire de gastroscopie car cela signifierait que le problème est plus grave qu’escompté. “Selon moi, on ne dirait pas un ulcère”, me souffle-t-il.  Sa remarque ne me rassure qu’à moitié. “Qu’est-ce donc alors ?”, me questionnais-je pendant de longues secondes.

Alors que je suis sur le chemin du retour, je commence à m’interroger sur le temps d’attente, à peine croyable, pour voir des spécialistes et des docteurs au Canada. Un récent rapport a déterminé les temps d’attente en 2021. C’est tout bonnement hallucinant. Il faut en moyenne onze semaines, à savoir, plus de deux mois et demi entre la recommandation d’un docteur à un rendez-vous chez un spécialiste. Ensuite, de la visite chez le spécialiste au début du traitement, il s’écoule en moyenne 14,5 semaines, quasiment trois mois et demi. Et bien entendu, ce temps d’attente extrêmement long, a des conséquences dramatiques: “increased pain, suffering, and mental anguish. In certain instances, they can also result in poorer medical outcomes—transforming potentially reversible illnesses or injuries into chronic, irreversible conditions, or even permanent disabilities.” 

Un graphique affichant le temps d'attente pour voir un spécialiste et recevoir un traitement

Un graphique édifiant ! Source: Fraser Institute

Pour la province d’Alberta, le temps d’attente total est en moyenne de 32,1 semaines ! Autant dire que rester positif n’est pas évident face aux statistiques, mais je n’ai que l’espoir pour tenir bon. Je tente, autant que faire se peut, d’oublier ces données et me concentre sur ce nouveau traitement, bien similaire à l’ancien. J’ai l’impression qu’il s’agit juste d’un effet “pansement” sur un mal toujours inconnu. Je me dois de reprendre du poil de la bête car d’ici quelques semaines, le chef principal s’en va et mon horaire redevient 51h/semaines, à savoir onze heures de plus que celui actuellement, qui me convenait beaucoup mieux.

La cuisine du restaurant est vide, le plan de travail est dégagé

Les autres employés sont partis manger pendant que j’assure le service.

En outre, il va falloir gérer la pression avec une personne en moins et travailler sur tous les fronts. Je redoute ce moment, malgré que je me sois amélioré et me sente plus à l’aise au restaurant. L’attitude un peu trop colérique et bipolaire des boss me fait déjà peur. J’espère que le salaire me permettra de compenser cette nouvelle épreuve !

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