Taiwan

Chapitre 17 : Retour avorté

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Cet épisode bien qu’étant répertorié comme le 17ième chapitre de Taïwan intervient plusieurs années après et se situe chronologiquement après les chapitres consacrés à Pékin.

Enfin ! Je suis tellement heureux de revenir à Taiwan ! J’ai plein de projets en tête: fêter le nouvel an lunaire, revoir des potes, des plans culs et, surtout, j’ai hâte de retrouver la chaleur et la spontanéité de ces habitants après la froideur de la Chine. J’en oublie presque avoir payé 300 euros pour un  billet de retour inutile vers Pékin. J’arrive à l’immigration, avec un sourire affichant toutes mes dents et présente mon passeport. L’agent derrière le bureau le regarde plusieurs fois, surprise, et l’analyse sous toutes les coutures pendant trente longues secondes. Une question m’est alors posée:

-Vous voyagez avec deux passeports ?

-Bha non…

-Ma collègue va s’occuper de vous… M’annonce l’agent en me pointant une femme du doigt et qui m’invite à la suivre. Instantanément, j’ai une révélation et comprend ce qu’il est en train de se passer. Je me souviens de ce qu’il m’est arrivé en avril 2017 (nous sommes en janvier 2020 lorsque j’arrive de nouveau à Taïwan) avec mon passeport perdu et mon passeport temporaire.  Mais cela ne s’arrête pas là puisque, par miracle, celui que j’avais perdu a été retrouvé à Taiwan et j’ai pu récupérer ce même passeport à Hanoi. Là, s’ensuit un quiproquo complètement dingue. Mon passeport est enregistré comme étant perdu ou volé. Je ne peux pas rentrer à Taiwan avec ce dernier car il n’existe plus dans la base de données. « What the fuck?!« , pensais-je. C’est l’incompréhension totale, tout se bouscule dans ma tête.

Si vous abandonnez Taiwan, vous pourrez toujours voyager avec ce passeport

Je tente d’expliquer de nouveau mon cas. Je n’ai aucun souci,  j’ai un vol de retour, je n’ai jamais eu d’ennuis avec la justice, je suis revenu parce que j’adore Taiwan. Si j’étais au courant, si seulement j’avais su, je n’aurais jamais pris la peine de revenir avec ce passeport visiblement problématique. Je leur explique également que vu que j’ai continué à voyager avec ce passeport – pendant près de trois ans -, à ma connaissance, il n’y avait donc aucun souci. Cependant, je dois bien le reconnaître, j’avais été extrêmement chanceux. Le passeport qui m’a été renvoyé aurait dû être légalement annulé, mais l’employée de l’ambassade, probablement pour me rendre service, ne l’a pas fait. Grâce à son silence, cela m’a permis de voyager, mais cela me met dans une situation fâcheuse vis-à-vis de l’administration taiwanaise. La seule solution, me dit-on, est d’obtenir un passeport d’urgence pour Taiwan. Néanmoins, on me signale qu’avec le nouvel an lunaire les administrations sont fermées pendant presqu’une semaine.

Mes espoirs de bonne bouffe s’amenuisent

Je tente le tout pour le tout et contacte les ambassades à Taipei et en Belgique. Les personnes que j’ai au téléphone me soutiennent, mais ne peuvent strictement rien faire pour changer la situation. Obtenir un passeport temporaire avec les jours féries est quasiment mission impossible à Taipei et en Belgique on me demande de bien réfléchir. « Si vous demandez un passeport d’urgence, vous ne pourrez rester qu’à Taiwan et devrez ensuite rentrer en Belgique. Si vous avez d’autres voyages prévus, peut-être est-il bon d’évaluer si cela vaut la peine de perdre toute possibilité de continuer votre tour du monde« , me souffle-t-on, « Taiwan vaut-il autant que tous les autres pays ? Si vous abandonnez Taiwan, vous pourrez toujours voyager avec ce passeport.« 

Face à cette éventualité, je suis bien obligé de céder. Bien évidemment que j’avais envie de revoir Taiwan – qui a été la première grosse étape de mon voyage -, mais je ne pouvais pas sacrifier tout le reste. J’ai fait une demande de working holiday visa pour le Canada, obtenue et reliée à mon passeport. Changer ce dernier aurait impliqué de nouvelles démarches administratives pour pouvoir partir au pays des caribous. Je regarde la dame de l’administration qui était restée près de moi et lui dit que je suis contraint de renoncer à entrer sur Taiwan. « Vous devez quitter le pays ce soir » me prévient-elle. « Oh bordel, je n’ai même pas le temps de me reposer que je dois déjà penser à un plan B« , paniquais-je. Je ravale ma tristesse et me met à chercher un pays ou un endroit proche où je n’ai pas besoin de visa et où le billet d’avion ne me coûterait pas trop cher. Je pense directement à Hong Kong ou encore à la Corée du sud. Une femme travaillant pour China Airlines effectue les démarches et téléphone à l’immigration de ces pays en me disant qu’elle doit « les avertir de ma situation. »

-Je dois leur demander s’ils veulent prendre le risque de vous accueillir, m’explique-t-elle.

Le risque ? Rétorquais-je surpris

-Nous devons les prévenir de cette irrégularité avec votre passeport et voir s’ils acceptent

Je ne fus pas surpris par la réponse… Bien évidemment qu’ils ont refusé car la situation a probablement été présentée comme si je voyageais avec un passeport perdu ou volé.

-Le meilleur moyen, c’est que vous rentriez en Belgique, me conseille la femme avec empathie, ça sera le plus simple pour vous. Vous refaites un passeport et vous pourrez revenir à Taiwan plus tard

« Oh putain, non hors de question ! Je suis reparti, il y a à peine trois semaines », me répétais-je en mon for intérieur.

-Pourquoi pas le Japon ? La Chine ? Ajoutais-je

-Je vais me renseigner

Vous devez impérativement prendre un vol avec China Airlines qui conserve votre bagage pour le moment. Notre compagnie est au courant de votre situation. Les autres compagnies ne peuvent être tenues responsables de cela

Après trente minutes, elle m’annonce que ces pays ont refusé eux-aussi. Elle commence à me mettre en garde:

-Monsieur, sachez qu’au plus vous me demandez de vérifier des pays et au plus ces derniers risquent de dire non. Ce qui vous handicape pour la suite de vos voyages. Vous êtes désormais refusé d’entrer sur les territoires d’Hong-Kong, du Japon, de la Chine, de la Corée du Sud et de Taiwan à cause de votre passeport. Même lors d’une escale, vous ne pourrez plus transiter par ces pays. Vous devriez y réfléchir et rentrer chez vous…

-Et la Malaisie ? Demandais-je dans une dernière pirouette, pourriez-vous vous renseigner ? J’y ai été avec ce même passeport et ils n’ont eu aucun souci à m’accepter.

Après un rapide coup d’œil, je constate que les vols sont encore raisonnables. 150 euros via les compagnies low cost, ce qui est largement abordable. L’employée de China Airlines vérifie de nouveau mon passeport et prends des photos des tampons de Malaisie que j’ai sur les pages de mon passeport. Après une heure d’attente, elle me confirme que tout est en ordre. Ouf, c’est un premier soulagement !

-Bon, j’ai trouvé un vol pas cher qui part vers 1h du matin ! Déclarais-je satisfait

-Ha non, vous ne pouvez pas prendre les compagnies low cost. Vous devez impérativement prendre un vol avec China Airlines qui conserve votre bagage pour le moment. Notre compagnie est au courant de votre situation. Les autres compagnies ne peuvent être tenues responsables de cela et nous vous laisserons embarquer.

Le même vol est à 310 euros. Putain j’enrage, mais je n’ai pas d’autre choix. Je suis obligé de l’accepter. Je prends donc mon ticket en me disant qu’au moins, la Malaisie m’autorise 90 jours sans visa.

-Par contre, vous devez avoir un ticket de retour. C’est la condition pour que vous partiez en Malaisie

« Oh putain, mais c’est pas vrai. Cette journée ne s’arrêta donc jamais?!« ,  fulminais-je intérieurement. Je finis donc par acheter un vol pour le Sri Lanka à 100 euros. J’aurais dépensé presque 700 euros aujourd’hui et en aurais perdu 900 avec le vol préalablement payé pour venir jusqu’à Taiwan ainsi que le prix de mon premier hôtel. Je n’ai toujours pas mangé, ni bu et cela fait 7 heures que je suis coincé au même endroit. Le personnel de la sécurité m’apporte à boire et me demande constamment si je vais bien. Je ne pourrais pas me plaindre, ils sont attentifs et font preuve d’une gentillesse dingue. Je suis encore plus dégoûté de ne pas pouvoir me rendre à Taiwan. J’informe mes amis qui m’attendaient que je saurais malheureusement pas entrer sur le territoire. Un gardien de sécurité, au courant de la situation, s’approche de moi et m’interpelle:

-Vous souhaitez manger quelque chose ?

-Oui, je vais aller me chercher un petit truc

-Monsieur, au vu de la situation, je ne peux pas vous laisser entrer dans le terminal. Donnez-moi de l’argent et j’irai vous chercher à manger.

Je tente de lui remettre ma carte de crédit, mais il ne peut pas accepter. Il me demande de changer de l’argent. Je vais craquer. Heureusement, il me reste quelques billets de chine  que je change à un comptoir et remet le reste au garde. Après être revenu avec ma bouffe, il me tend un ticket de caisse. « C’est aussi un billet de loterie, peut-être que cela vous portera chance« . Je souris et le remercie avant de dévorer mon plateau-repas en un instant. Peu après, le garde me dit qu’il va bientôt devoir me conduire dans la « salle de repos« . En effet, mon vol n’est que le lendemain à 8h30 du matin. Je vais devoir passer la nuit dans l’aéroport. Je suis le gardien  en lui expliquant à quel point je suis dégoûté, mais son anglais est moins bon que celui de l’employée de China Airlines. Nous traversons le premier terminal, prenons un aérotrain et arrivons dans un second terminal. Il ouvre une pièce fermée via un badge et donne mon passeport à un autre gardien. L’endroit n’est pas si mal, un fauteuil, une télé, des douches et des WC. Je n’ai pas le cœur à prendre ça à la rigolade et j’essaie d’aller me coucher assez tôt. Vers 23h, un homme qui regardait la télévision est conduit dans son lit et attaché avec une menotte à un barreau de lit par le gardien. Il éteint ensuite la lumière et ferme la porte à clé. Je n’ai que très peu dormi cette nuit-là, malgré la fatigue et le stress. Je ressasse cette journée horrible et tout cet argent perdu. Je suis au bout du rouleau.

De retour en Malaisie, sans passer par la case Taiwan

Le lendemain vers 7h30, une hôtesse de China Airlines vient me chercher et m’emmène jusqu’à la porte d’embarquement. Elle m’indique un endroit où je dois m’asseoir. D’abord, je dois attendre que tout le monde embarque dans l’avion. Ensuite, elle me confie à un agent de l’immigration qui va m’amener jusque dans l’avion pour être certain que j’embarque. Il me fait asseoir et me boucle ma ceinture de sécurité. Les autres passagers me dévisagent comme si j’avais la peste. Je suis vanné. Après quelques heures, j’arrive finalement en Malaisie, sans aucun souci, comme si ce passeport n’avait aucun problème et était parfaitement en ordre et en règle. Taiwan me sera refusé jusqu’en 2024, ainsi que la Chine, le Japon, Hong-Kong et la Corée du Sud. A moins que je ne change mon passeport, ce souci perdurera. Un drame pour l’aventurier que je suis, mais après l’Egypte, je m’étais déjà préparé au pire. Il me faudra trois jours pour véritablement me remettre de ce choc et pouvoir en rire.

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