Roumanie

Chapitre 3 : Lever le voile

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Nous quittons Sibiu aux alentours de 7h30, la mine encore un peu fatiguée, mais soulagés de commencer la journée vers de nouvelles aventures. Yoan se met derrière le volant tandis que je pianote sur mon téléphone pour lancer l’itinéraire vers la “Transfagarasan road”. “Cette route attire les touristes du monde entier”, nous avait on répétés à plusieurs reprises. “C’est bien de ne pas y aller le week-end car il y a parfois des files tout le long. Personne ne peut dépasser les 10 kilomètres à l’heure dans ces cas-là”. Heureusement pour nous, nous sommes en pleine semaine, fin septembre, et la saison touristique s’achève petit à petit. De plus, pour des raisons de sécurité, la route semble fermée entre octobre et juillet. En cause, certaines parties y sont propices aux avalanches. La route fut construite entre 1970 et 1974 sous les ordres du dictateur Nicolae Ceausescu. Ce dernier voulait construire une route à travers les montagnes pour des raisons stratégiques et militaires. La route en elle-même s’étend sur 90 kilomètres et l’altitude varie entre 400 et 2040 mètres. C’est pourquoi, il n’est pas rare d’avoir des températures différentes au cours de la traversée.

Perdus dans un mystérieux brouillard

Nous nous en rendrons compte rapidement puisqu’à peine arrivés, nous sommes plongés dans une purée de pois. L’épais brouillard s’étend comme une couche de peinture qu’on aurait grossièrement appliquée sur une toile. Elle enveloppe et couvre quasiment tout le paysage. Il est d’ailleurs très compliqué de repérer les limites de la route. L’air ambiant est froid et humide, nous obligeant à allumer le chauffage pour réchauffer nos mains frigorifiées. Cependant, l’humidité ambiante s’étend de plus en plus sur le pare-brise rendant la visibilité encore plus compliquée. Malgré le manque de repère visuel, un sentiment très fort se dégage de la Transfagarasan road, quelque chose de mystique. Nous ne ferons que peu d’arrêts sur la première partie de la route, tellement la brume semble avoir pris possession des lieux. Une légère pluie l’accompagne, rendant toute sortie en dehors de la voiture peu agréable. Alors que la route nous fait descendre de plus en plus en altitude, les nuages s’écartent peu à peu, le brouillard disparaît petit à petit, presque comme s’ils nous montraient enfin la voie à suivre.

Le ciel s’éclaircit, nous laissant enfin profiter des magnifiques paysages qui s’offrent à nous

Nous décidons de nous arrêter sur un bord de route pour grignoter quelques sandwiches, observer le lac en contrebas et constater une immense réserve de déchets qui vient troubler mon état de quiétude. Je prends ensuite le relais derrière le volant. Soudainement, presque comme par magie, le voile qui recouvre la route se lève, laissant apparaître des forêts composées d’arbres gigantesques, des chiens errants aux yeux injectés de sang, dont l’un deux tentera même de foncer contre la voiture. Probablement, pour montrer qu’il est prêt à tout pour défendre son territoire. Ce n’est pas le chien derrière lui, affichant une blessure sanglante qui pourra le contredire. La vie reprend peu à peu ses droits et ne se cache plus. J’aperçois des oiseaux virevolter au loin qui ressemblent à des buses. Soudain, alors que j’étais plongé dans mes pensées, une silhouette massive traversa la route. J’eu le temps de freiner, regarder Yoan avec stupéfaction, pour apercevoir qu’il s’agissait d’un ours, qui avait très mal calculé sa course puisque j’aurais pu le percuter à cause de mon manque d’attention. Cette première rencontre avec l’animal est courte, intense, mais provoque déjà un sentiment de satisfaction en nous. Quelques minutes plus tard, la chance nous sourit de nouveau.

Deuxième rencontre avec un ours en moins de dix minutes

Nous apercevons un ours couché au loin qui se lève subitement alors que je tente de freiner délicatement pour me mettre sur le bas-côté de la route. Mission accomplie puisqu’une fois immobile, l’ours ne s’enfuit pas et semble vaquer à ses occupations sans prêter attention aux deux individus qui le regardent avec des yeux écarquillés. Nous sommes probablement restés deux longues minutes à l’observer, profitant de cette rencontre exceptionnelle. La Transfagarasan road est un incontournable pour quiconque espère voir des ours en pleine nature. Beaucoup de touristes ont eu la chance d’y observer plusieurs spécimens, parfois en compagnie de leurs petits. Certains d’entre eux, probablement inconscients, s’amusent à les attirer avec de la nourriture, sans se rendre compte que l’animal, énervé, pourrait leur asséner un coup fatal avec un coup de patte bien placé. Notre aventure prend peu à peu fin, nous laissant avec des souvenirs plein les yeux et un sentiment d’accomplissement indescriptible.

Un barrage surprenant entouré de montagnes à l’allure mystérieuse

Quelques jours plus tard, il est temps pour nous d’arriver à Bucarest et de découvrir la capitale roumaine. Ma première impression confirme ce que nous avions déjà pu apercevoir lors de nos longues heures sur la route. La religion occupe une place de choix dans le quotidien des roumains. Entre les églises, les petites chapelles au bord des routes, les croix pour les nombreux accidents de voiture, il est question de foi à toute heure et tout endroit.

Un mémorial sur le bord de la route. Un parmi beaucoup d’autres…

Au sein de Bucarest, nombreuses sont les églises. Les fidèles qui s’y rendent ont un âge qui varie beaucoup plus qu’en Belgique. Des jeunes adultes, des quadragénaires, mais également des plus vieux viennent pour prier, allumer un cierge, et effectuer trois fois le signe de croix. De gauche à droite pour les catholiques, de droite à gauche pour les orthodoxes. En Roumanie, c’est la religion orthodoxe qui prime avec plus de 86% de la population. La foi fait véritablement partie du quotidien des roumains.

Bougies, signes de croix, embrassades de reliques, le Roumain est dévoué à la religion

A plusieurs reprises, je fus surpris de voir des personnes embrasser, sans masque, des reliques diverses: tableaux, icônes, statues, livres dans les églises. Une très mauvaise idée au vu du regain de la Covid-19 dans la capitale roumaine. “Le taux d’incidence (…) est passé de 4,95 pour mille lundi à 5,57 mardi et 6,33 mercredi. Il y a un mois, le 29 août, le taux d’infection sur 14 jours à Bucarest était de 0,74 pour mille.” La situation est très inquiétante et la vis se resserre, notamment lors de l’entrée aux restaurants.

Il faut montrer patte blanche pour pouvoir manger dans cet établissement

Pour la première fois, Yoan et moi-même devons prouver que nous sommes vaccinés pour rentrer dans un restaurant. Ni la Belgique, ni la France n’avait encore rendu le pass sanitaire obligatoire au moment où nous devons le présenter en Roumanie. Il faut dire que le taux de vaccinés est plutôt faible. Un sujet dont j’aurais l’occasion de discuter avec des locaux dans quelques chapitres. La capitale roumaine est surprenante, presque “bling-bling”, offrant de magnifiques restaurants, beaucoup plus chers qu’à l’accoutumée, dans lesquels les pourboires sont obligatoires également.

De belles bâtisses avec du caractère

A se demander, combien de Roumains peuvent véritablement se permettre de manger de tels établissements ? Le voyage que j’ai entrepris avec Yoan touche peu à peu à sa fin. Le temps de partager une dernière bière et de revenir dans notre logement hyper sécurisé. Entre digicode à l’entrée, bip pour activer l’ascenseur, boîte avec un code pour récupérer les clés, etc. Tout au long de notre escapade, nous avons constaté que la sécurité était un point très important pour les locaux. Chaque maison est cachée derrière de hauts grillages aux pointes acérées, soutenues par d’épais cadenas de part et d’autre. Une des raisons que m’ont évoquées plusieurs roumains est la peur de se faire voler par les “gypsies/Tsiganes”, autrement appelés les Roms. Cette communauté et minorité de Roumanie est très mal perçue parmi la plupart des habitants. Les Roumains détestent être associés aux gens du voyage qui ont, parfois, une réputation négative dans de nombreux pays étrangers. Leur mode de vie, différent des Roumains, est prétexte à moquerie, discrimination et crainte. Contrairement à ce que l’on croit, les Tsiganes ne sont pas forcément associés à la Roumanie, ils n’ont pas de pays auxquels ils appartiennent fondamentalement. Arrivés d’Inde en l’an 1000, ils débarquent en Europe. Les “Roms”, qui veut dire “homme” en langue romani et représente la manière dont eux-mêmes se définissent. Le mot “tsigane” possède une connotation négative et est généralement employé par des non-Roms. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser sur la route des villages dans lesquels les Roms vivent, presque en retrait de la société. Une minorité qui effraie la majorité, rien de neuf en somme.

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