Azerbaïdjan

Chapitre 3 : Un monde à part

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Je quitte mon hôtel en début de matinée pour prendre un bus en direction d’Ismayilli. La traversée de trois heures est pénible. Le bus tangue de tous les côtés et je parviens même à me prendre un coup à me faire saigner les gencives en tentant de boire dans ma gourde en métal. Une fois arrivé, je suis véritablement largué sur une portion d’autoroute sans véritable information. Après quelques recherches sur le net, je me rends compte que je ne peux atteindre Lahic, ma destination, sans faire appel à un taxi. Très vite, j’approche un chauffeur et lui demande demande s’il peut me conduire. Cependant, celui-ci essaie de me dépouiller en me demandant presque 30 manats, à savoir 15 euros pour un trajet qui normalement ne devrait pas coûter autant. Je décide de l’ignorer et commence à marcher. Au coin de la rue, à l’ombre d’un arbre, un vieux monsieur fume une cigarette. Je lui dit bonjour et il me fait un grand sourire. Je repère alors un signe « taxi » sur la poubelle qui lui sert de voiture. Nos regards se croisent à nouveau et il me fait un grand « oui » de la tête. Je lui demande alors s’il peut me conduire pour 10 manats jusque Lahic. Il me fait « non » de la tête. Je lui en propose 15, bingo ! Il accepte et m’ouvre la porte de son véhicule. A peine assis, je sens déjà les ressorts me rentrer dans le dos et sur la peau des fesses. J’ai l’impression que le siège va s’effondrer à tout moment sur la route tant son auto vibre de tous les côtés.

le paysage sue la route est un peu sec, mais conserve de belles couleurs automnales au creux de la vallée

Une route qui secoue pour un paysage tout aussi percutant !

Qu’importe, c’est parti pour 45 minutes sur une belle route cabossée avec des vaches en plein milieu. L’odeur de l’essence est tellement forte que j’ai l’impression de respirer directement dans le réservoir. Mon chauffeur se permet tous les luxes: il regarde son téléphone, fume sa clope, double un camion en pleine côte. Bref, je tiens fermement le dossier car il n’y a pas ceinture de sécurité à l’arrière. Lorsque nous croisons la police, il fera mine de mettre la sienne sauf que celle-ci a été coupée et pendouille simplement le long de son corps.

Malgré toutes ces péripéties j’arrive enfin à Lahic, un charmant village d’artisans, au pied des montagnes. Je pense n’avoir jamais autant dit « bonjour » de toute ma vie. Très sympas et souriants, les habitants me mettent rapidement à l’aise. Je me sens presque dans mon quartier d’enfance. Il faut dire que le village est petit puisqu’il n’y a pas plus de 1000 habitants. Sur le chemin, j’en profite pour me faire un repas de roi dans un petit restaurant qui pratique des prix étonnement bon marchés.

un plat avec une poêle remplie de patates persillées, tomates rôties, une sorte de burger de lentilles et viande hachée

Un repas savoureux à un prix très abordable

Dix minutes plus tard, j’arrive enfin dans ma guesthouse qui se situe en haut du village. C’est un véritable luxe comparativement aux autres endroits où je me suis rendu. Bien entendu, l’isolement rend ce logement un peu plus cher. 32 manats, à savoir 17 euros la nuit mais tellement confortable et beaucoup plus propre que ce que j’ai pu vivre à Baku et Quba.

L’endroit est idyllique et je me sens pousser des ailes. Comme à l’accoutumée, j’ai l’envie de faire de la randonnée. Cependant, de nombreuses personnes me le déconseillent fortement. Leurs justifications sont toutes les mêmes: un chemin pas très clair, des ours “peu commodes” et des chiens de berger agressifs. « Des touristes indiens se sont déjà perdus et sont morts en montagne. » C’est également ce que me dira Yassin un soir à la guesthouse. Il est guide et accompagne une dame d’une cinquantaine d’années autour de l’Azerbaïdjan. “Je lui sers aussi de chauffeur et d’interlocuteur avec les locaux. Elle se sent plus rassurée comme cela et je peux lui montrer des coins atypiques.”

Un vitrine d'un artisan avec plein d'objets en fonte dont des récipients pour faire chauffer de l'eau pour le thé et café

Les vitrines des artisans confèrent un charme indéniable au village.

Nous discutons pendant de longues minutes, lui qui parle un français impeccable et qui est calé en architecture et histoire de l’art. Il me recommande alors des endroits à voir et me donne quelques conseils, notamment pour la randonnée. Concrètement, il vaut mieux ne pas prendre de risque si je suis seul dans ces montagnes. Je fais une moue de dépit, mais accepte les conseils de cet homme avisé.

un paysage de vallée verdoyante avec au loin des montagnes Le ciel est plein de nuages mais avec une très jolie luminosité Des arbres sont au premier plan et apportent une touche esthétique à la photo

Un paysage enchanteur qui laisse pantois !

Je poursuis la conversation en lui demandant s’ils ont souvent des touristes dans le coin. Yassin me répond que non car ce n’est plus vraiment la saison.

-A part quelques Russes, mais ça c’est tout le temps, dit-il. Avec la guerre en Ukraine, l’Azerbaïdjan est encore un des seuls pays où les russes ne sont soumis à aucune sanction. C’est donc très facile pour eux ce venir visiter notre pays. Et en plus, une bonne majorité des gens savent parler le russe, ce qui est plus confortable pour eux aussi.

A mon grand étonnement, il m’annonce qu’auparavant il y avait énormément de touristes francophones: Français, Suisses, Belges et Quebécquois. « Il ne faut surtout pas leur dire qu’ils sont Canadiens, sinon oh lala !« , ajoute Yassin moqueur. « Qu’est ce qu’ils sont difficiles ! » Mais ce n’est pas tout puisque pas mal de Marocains et d’Algériens viennent également visiter ce pays musulman. « L’un des seuls du Caucase« , précise Yassin. L’Arménie et la Géorgie sont majoritairement chrétiennes, mais possèdent une petite population minoritaire musulmane également. Il m’explique alors que tout a changé depuis la Covid-19.

-A cause de la fermeture de l’espace aérien et des mesures sanitaires ? Lui demandais-je

-Non, c’est parce que les conflits avec l’Arménie ont repris dans la région du Haut Karrabach !

Pour lui, cette décision de boycotter l’Azerbaïdjan relève de la politique. Les Arméniens sont chrétiens.

-Les Européens ne veulent plus venir car leurs racines chrétiennes se réveillent. Par soutien, ils refusent de venir chez nous désormais.

Je prends note des remarques de Yassin sans véritablement pouvoir les vérifier. Je décide de repartir dans ma chambre pour zoner sur mon téléphone. Allongé sur le lit, entre deux parties de Switch, je commence à envisager la suite de mon voyage. Je désire me rendre à Gabala, mais une fois encore, je suis obligé d’effectuer un retour arrière vers Ismayilli. 

Quelques jours plus tard, c’est l’heure du départ. Me voilà à bord d’un bus local qui se remplit de plus en plus au cours du trajet. Je suis littéralement étouffé par tous les villageois qui y montent comme si l’espace était illimité.

un bus local vide avec à son bord une femme élégamment vêtue avec un foulard sur sa tête.

A bord du bus avant qu’il ne se remplisse.

Une fois sorti, je reprends mon souffle et me retrouve au même endroit où j’avais demandé à « Papy Turbo » de m’amener à Lahic. Je me mets sur le bord de la route et consulte mon téléphone en quête d’un chauffeur de taxi. Quelques minutes plus tard, un homme en voiture s’arrête. Il me demande où je souhaite me rendre. Il n’a pas l’air d’être un taxi officiel, mais plutôt un local en quête d’argent facile. Je négocie un excellent prix et il me prend alors dans son véhicule. De nouveau, la communication est compliquée, mais un échange de nourriture nous mettre rapidement à l’aise. Il me donnera des noix, je lui passerai quelques biscuits et le voyage sera des plus agréables pendant l’heure et demie qu’il faudra pour atteindre ma destination. Tout au long du trajet, mon « chauffeur » s’arrêtera pour prendre aussi des villageois désireux d’aller plus loin également. Les visages intrigués se mettront à sourire rapidement après avoir reçu quelques biscuits. J’ai le bon stratagème. Une fois arrivé à destination, je règle le montant de la course à mon chauffeur. Nous nous quittons sur une chaleureuse poignée de main. Gabala, me voici !

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