Sri Lanka

Chapitre 4 : Un nouveau regard

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Après une traversée en train interminable de presque huit heures, nous arrivons enfin à Jaffna. Nous devons nous séparer de Xavier l’espace d’un jour afin que ce dernier aille dire bonjour à sa famille. L’ambiance en ville est tout autre, quelque chose de très calme s’en dégage. Comme si après les nombreux conflits qui ont animé la région, c’est véritablement l’apaisement qui a repris le dessus. En effet, l’histoire de Jaffna a été rythmée par une guerre civile sanglante entre les Singhalais bouddhistes (représentant 75% de la population) et les Tamouls hindous, qui a fait près de 100.000 morts. Débutée en 1983, elle ne s’est véritablement achevée qu’en 2009. Pour comprendre comment a débuté ce conflit, il faut revenir en 1948 lorsque le Sri Lanka obtient enfin son indépendance après avoir été une colonie. C’est à ce moment que les Singhalais s’approprient le pouvoir et commencent à oppresser la minorité Tamoule hindoue (18% de la population). Les problèmes empirent car “en 1956, le bouddhisme devient même religion d’État. Et le cingalais devient la langue officielle. Plusieurs mouvements sécessionnistes, desquels naîtra le Mouvement des Tigres de libération de l’Îlam Tamoul (LTTE), verront le jour, prônant la fondation d’un État séparé au nord de l’île”.

Les impacts de la guerre civile sont encore visibles.

En 1983, une explosion, provoquée par des combattants de LTTE fait 13 morts parmi les soldats de l’armée sri lankaise. Cette attaque va entraîner de terribles représailles pour la minorité tamoule. Des pogroms apparaissent dans plusieurs villes du pays entraînant meurtres, pillages, viols ou encore incendies. Le début de la guerre civile est lancé avec son lot d’horreurs. Le conflit s’envenime encore plus. Les moyens dont disposent le LTTE sont impressionnants, notamment des avions capables d’effectuer des bombardements. Ils profitent également d’un important réseau de télévisions et de radios dans les zones qu’ils contrôlent, au nord et à l’est du Sri Lanka.  Grâce à ces ressources, ils effectuent une attaque coup de poing contre l’aéroport de Colombo en 2001, détruisant 13 avions. « On estime à près d’un million le nombre de réfugiés ayant fui le Sri Lanka depuis le début des combats. Les plus grands foyers tamouls se sont établis au Canada (400.000 personnes), au Royaume Uni (300.000), en Inde (150.000) et en France (100.000). Ce gigantesque réseau d’exilés contribua directement à l’effort de guerre insurgé (particulièrement au niveau financier).« 

Des édifices religieux abandonnés depuis la guerre.

Comme dans toute guerre, aucun camp n’échappe au cycle de la violence.  D’un côté les Singhalais arrêtent toute personne susceptible de nuire à son autorité, pratiquant torture, humiliation et bombardements. De l’autre les Tamouls sont coupables d’épuration ethnique envers les musulmans et recourent à des enfants pour des attentats suicides.  2009 sonne le glas de la guerre après une offensive musclée contre le LTTE. Les « Tigres » finissent par se rendre et capitulent. Ce n’est qu’en 2015 que Jaffna a été rouverte aux touristes.

Une boucle de la violence dont il est difficile de se défaire.

A Jaffna, en 2020, c’est véritablement un autre monde. Les femmes se baladent en sari aux couleurs vives, les vaches traversent fréquemment la route et la plupart des gens ne se déplacent qu’en deux roues. Moi qui n’y ai pourtant jamais mis les pieds, je me sens quasiment en Inde. L’odeur des épices envahit les rues et chatouille mes narines. Les rayons du soleil, quant à eux, réchauffent ma peau qui se dore de plus en plus. Accompagné de Jeff, nous nous baladons paisiblement dans les rues de Jaffna et apprécions la diversité des paysages.  Néanmoins, des souvenirs douloureux de la guerre font fréquemment leur apparition au détour d’une ruelle. Arrivé près d’un temple, nous faisons la rencontre d’une locale qui parle un excellent anglais. Ravie de nous voir débarquer à Jaffna, elle nous demande où nous avons été au Sri Lanka et quel est notre endroit préféré. Difficile encore de jauger évidemment, mais j’ai véritablement un coup de cœur pour cette ville. Je n’ai pas l’impression d’être considéré comme un touriste, je sens une réelle bienveillance des gens à notre égard et ça fait plaisir. Afin d’éviter le passage à la caisse, nous déposons nos chaussures dans le sable avant de pénétrer dans l’enceinte du temple. En effet, au Sri Lanka, il faut refiler ses pompes à un “gardien” qui vous les remettra en échange d’un peu de monnaie. Cependant, au vu du nombre de temples à visiter, il est presque préférable de se balader pieds nus pour ne pas se ruiner. Après un tour de plusieurs heures et un léger moment de stress occasionné par deux trois locaux pleins morts, nous parvenons à rentrer à l’hôtel pour nous reposer un peu.

Traversée en bateau vers l’île.

Le lendemain, nous retrouvons Xavier chez l’une de ses tantes. Nous prenons un tuk-tuk en direction du port. De là, un bateau nous attendait pour rejoindre l’île de Nagadeepa où se trouve Nagadeepa Rajamaha Viharaya, un temple historique où Bouddha lui-même se serait arrêté. La traversée en bateau est assez drôle. Une bande de locaux nous encercle et se met à dégainer leurs téléphones portables. Photos, vidéos, stories, c’est la totale. Nous sommes la véritable attraction. Seul Xavier, notre pote Suisse-Sri Lankais, se fond dans la masse et nous regarde galérer pendant les vingt minutes de traversée. Une fois débarqué sur l’île, nous entrons dans le temple et assistons à la cérémonie. Pieds nus, torse poil pour les hommes, marqué d’une poudre blanche sur le front, mes sens sont en éveil. Les chants, le sons des cloches, le décor, les porteurs qui soutiennent des reliques, tout est fait pour se mettre dans l’ambiance.

Les vaches se baladent partout et proposent presque une immersion en Inde.

Après cette cérémonie, nous sommes invités à manger dans un autre temple, beaucoup plus modeste. Assis par terre, des bénévoles nous déposent une feuille de palmier coupée en rectangle afin qu’elle fasse office de set de table. Peu après, les louches de nourriture s’abattent sur la feuille: lentilles, riz, légumes bouillis, chips de légumes composent notre dîner. Les locaux rigolent, surpris d’une part de nous voir partager un repas avec eux, et d’autre part car nous ne maîtrisons pas encore la technique pour manger correctement avec la main. J’ai beau essayer de l’utiliser comme une grue, j’en fous plus sur mon T-shirt qu’autre chose. Qu’importe, j’ai toujours mangé comme un porc, cela ne change pas au Sri Lanka.

Le plat est réservé à toutes les personnes ayant assisté à la cérémonie du temple.

Notre expérience à Jaffna s’achève déjà et c’est le temps des adieux avec Xavier. Notre trio se sépare après une dernière vanne et de chaleureuses accolades, Je continue ma route avec Jeff, en direction de l’est. Nous prenons un bus et quittons avec nostalgie ce petit coin à part.

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