J’arrive à Bologne après quelques heures de train. Une fois n’est pas coutume, l’hostel que j’ai choisi est plein de vie ! Il y a même un bar et une gigantesque cuisine pour préparer des bons petits plats. Dans le dortoir, j’y retrouve toutes sortes d’individus qui font presque partie des meubles: un taiseux, un ronfleur, un gars emballé par les sorties, un philosophe et… Bryan, un américain. Ce dernier et moi-même faisons rapidement connaissance. Il n’est pas très grand, les épaules larges, affublé d’un pantalon militaire et d’une casquette référençant un club de rugby. Nous sommes arrivés dans la chambre, à quelques minutes d’intervalle, alors que personne n’était encore présent. Très rapidement, nous décidons d’aller explorer la ville et de profiter du timide soleil qui nous accompagne.
Pour sa première fois en Europe, Bryan est quelque peu désorienté. C’est tout à fait compréhensible, nous fonctionnons, sans aucun doute, de manière différente. Par exemple, il est surpris de devoir sonner au bus pour indiquer un arrêt. C’est à ce moment-là que je me demande vraiment si c’est de la désorientation ou simplement un manque de connaissance. Il compare, ce qui est normal aussi, tout aux Etats-Unis. Cependant, dans ses références, je constate un point de vue très ethnocentré. Il me balance des noms d’émissions télévisées, des vedettes locales ou encore des produits alimentaires qu’il ne retrouve pas ici.
-Comment ça ? ! Tu ne connais pas ? Mais c’est super connu !
Quand il me demande d’où je viens, je savais d’ores et déjà que répondre “Belgium” provoquerait un arrêt de son système cérébral. “C’est bien en Europe ?”, me demande-t-il curieux. Oui, Bryan, c’est bien en Europe, il n’y a pas que les USA qui existent dans la vie. Malgré cela, le gars est sympathique, mais se révèle de plus en plus agaçant par ses remarques ou son manque de connaissance.
-C’est quand même dingue que ces gens ne maîtrisent pas l’anglais, me lance-t-il à plusieurs reprises.
-Pourquoi tu ne maîtrises pas l’italien ? Lui rétorquais-je.
-Bha, pour un si petit pays, ça n’en vaut pas la peine. L’anglais est parlé partout, et puis les USA sont l’un des plus grands pays du monde donc…
Nous continuons nos visites et décidons de nous installer à la terrasse chauffée d’un restaurant. Il souhaite goûter les “tortellini in brodo”, l’un des plats typiques de Bologne. C’est le plat que je mange depuis que je suis tout petit chez mes grands-parents. A 13 balles le plat de bouillon avec des petites pâtes, ça revient cher pour un truc d’enfance qui n’équivaut pas le prix, ni le goût. Bryan est subjugué, il n’a jamais mangé ça. “On sent que c’est un repas de pauvre, mais c’est bon si on veut manger léger”, me confie-t-il, “Moi j’aime beaucoup la viande grillée et le barbecue.” Ha bon ? C’est étonnant Bryan !
Le lendemain, nous nous dirigeons vers Vérone. L’occasion de visiter la ville des amoureux les plus connus du monde, à savoir Roméo et Juliette. “C’était une histoire tragique quand même”, me souffle Bryan alors que nous nous rapprochons de la maison de Roméo. “Heu, tu sais que ce sont des personnages imaginaires ?”. Bryan me regarde confus et éclate de rire. Je ne sais pas s’il s’est rendu compte de sa bêtise ou s’il pense que je lui fais une blague. Je ne préfère pas relever et continue ma marche. La maison de Roméo est simplement un hôtel et celle de Juliette est façonnée pour attirer les touristes crédules.
En 1930, la municipalité décide même d’ajouter un balcon, pour renforcer la similitude avec le roman de Shakespeare, et attirer les visiteurs du monde entier. Bien entendu, c’est l’occasion pour les amoureux transis de laisser des tags, cadenas ou autres objets à leurs noms à proximité. Savent-ils au moins comment le roman se termine ?
Le voyage se poursuit, toujours en compagnie de Bryan. La possibilité de partager les frais d’hôtel n’est pas négligeable, surtout quand je sens tout doucement la fin du voyage se profiler. Nous débarquons à Milan alors que l’épidémie de Covid-19 progresse encore un peu plus. On évoque une troisième dose possible pour continuer à utiliser le pass sanitaire/green pass. Ayant fait ma seconde dose en août, j’ai peur de devoir bientôt être contraint de rentrer sous peine de me voir interdire l’accès à des restaurants, musées ou encore transports en commun. L’Italie vérifie, à chaque voyage en bus, train ou tram, si le voyageur possède son masque FFP2, ainsi que sa preuve de vaccination. Il faut dire que le pays a énormément souffert lors de la première vague, accumulant un nombre de morts impressionnant dû à leur système de soins de santé défaillant et vieillissant. Bryan est sur le départ lui aussi. Je commence à regarder pour un billet de retour et je décide de le prendre dans trois jours à Bergame car les tickets sont bien moins chers. De plus, j’arrive directement à Charleroi. Le soir-même, je suis dans l’incapacité de dormir. Je suis victime d’insomnie. Il s’ensuit une nuit horrible où je ne sens plus mon cœur battre dans ma poitrine, mais uniquement dans ma tête. Des battements répétés qui finissent par me faire un mal de chien. J’entends ce “boom, boom, boom” à répétition. Je ressens des bouffées de chaleur dans ma tête et mon cou alors que le reste de mon corps est glacé. Pendant deux jours, ces effets vont me poursuivre, suivis de vertiges et de nausées. Je regarde les symptômes d’Omicron, Delta et Covid et je ne vois rien qui y ressemble. Je pense qu’il s’agit d’une crise d’angoisse, mais je ne peux me l’expliquer. Lors de mon retour en Belgique, mes symptômes s’amenuisent peu à peu, mais je décide – malgré la non obligation du gouvernement – de faire un autotest. Mon résultat est négatif. Je décide tout de même de me rendre chez le médecin. Ce dernier me fait un test PCR, mais de nouveau il est négatif. Il me parle d’un “Omicron digestif” et non respiratoire. Je n’arrive pas à comprendre ce qui m’arrive. Ce retour en Belgique m’épuise. Serait-il temps de faire une croix sur mon mode de vie ?