Fenêtres ouvertes, vent dans les cheveux, j’entame, accompagné de mon pote venant de Belgique, un road-trip d’une grosse semaine en direction de l’Ouest. C’est mon quotidien depuis mon départ de Montréal, mais quel plaisir de pouvoir le partager avec quelqu’un. Le programme est simple: en prendre plein la vue, visiter les parcs nationaux de l’Alberta, explorer, faire de la randonnée au British Columbia et nous laisser bouché bée. Je dois le confesser, j’ai déjà traversé plusieurs milliers de kilomètres au Canada. Quelques beaux coins me reviennent en mémoire, mais rien d’exceptionnel qui n’a su égaler les paysages que j’ai déjà pu voir ailleurs. Il était temps de remédier à cette injustice et de constater ce que le Canada conservait précieusement sous le coude. “Oh Boy!”, je dois dire que j’ai été surpris favorablement. Les montagnes commencent à se dessiner au loin alors que le soleil nous aveugle par sa puissance herculéenne. Le paysage, quant à lui, donne la sensation de se customiser à chaque détour, offrant un nouveau pan de sommet enneigé.
-Regarde! M’exclamais-je, tu as vu l’ours noir là-bas ?
Mon pote me regarde hébété avant que je ne fasse demi-tour pour voir l’animal traverser la route sans se soucier de notre présence. Entre les chiens de prairie, les mouflons, les insectes surdimensionnés, ou les nombreux écureuils qui s’élancent d’arbres en arbres, nous en prenons plein la vue. La flore est également magnifique: entre fleurs de montagnes colorées, odeurs de conifères qui imprègnent l’air et gigantesques arbres aux racines apparentes. La randonnée est toujours aussi exigeante, mais elle est sublimée par un décor exceptionnel. De quoi donner la motivation aux plus récalcitrants, et forcer les moins habitués à puiser dans leurs dernières ressources afin d’atteindre le sommet, quitte à éclater en pleurs aux sommets.
La vie en van comporte une part exceptionnelle de liberté, mais également de rigueur et de contraintes. En effet, plusieurs tâches inhérentes sont parfois insoupçonnées des néophytes: trouver de l’eau potable, des “dump stations” pour y déverser l’eau sale utilisée pour la vaisselle ou encore se mettre en quête de poubelles pour y jeter ses ordures afin d’éviter la prolifération d’insectes et autres mouches dans la voiture. Mon van possède une batterie externe qui permet d’alimenter une pompe fournissant l’eau ou encore un frigo box. Le souci, c’est que celle-ci se recharge lorsque je roule. Si vous êtes parqués pendant une journée entière, la batterie sera faible. Idem lorsque le ciel est couvert, les panneaux solaires génèrent moins d’énergie et tout fonctionne au ralenti: l’eau met plus de temps à sortir du robinet, le frigo est moins froid, etc. Tout nécessite une certaine prévision et gestion des ressources.
Que dire de l’essence dont les prix varient en fonction de l’actualité, de la région et de la proximité avec les attractions touristiques également. Une journée n’est pas l’autre en van. Il peut y faire chaud, puis très froid, l’adaptation est la clé et le plaid un véritable allié. S’assurer que les portes soient bien fermées pour éviter que les moustiques, particulièrement agressifs et entêtés, ne rentrent. Capables de piquer à travers les vêtements, ces petits salopards ne reculent devant rien.
Néanmoins la vie en van attire énormément les curieux. Je ne compte pas le nombre de personnes qui se sont arrêtées pour inspecter l’intérieur de mon van, me demander des informations sur mon parcours ou tout simplement se renseigner sur comment je fais pour vivre au quotidien. Les rencontres lors des campings sont toujours des grands moments d’échange et de partage. Je cuisine un peu plus pour partager ma nourriture ou préparer un dessert pour en offrir aux “invités”. Eux, fournissent du vin ou autres snacks pour donner du sens à cet échange. Les éclats de rires volent dans les airs, les sourires se dessinent sur les visages, les yeux sont grands ouverts et on profite de ce moment suspendu qui est unique. Cependant, il est apprécié et appréciable de profiter de compagnie, même éphémère, et d’y trouver de quoi se ressourcer également. On prend le temps en voyage, on nuance ses propos, on ne court pas après les paysages, mais on cherche les expériences.
La route est souvent entrecoupée de moments clés: le café du matin, la sucrerie de l’après-midi, la quête désespérée de toilettes publiques pour soulager ses intestins trop encombrés ou encore le spot parfait pour cuisiner, et se reposer après les longues heures de route gâchées par d’interminables travaux ou des ornières grosses comme des bassines d’eau, ou encore partager une bière après une grosse randonnée face au coucher du soleil. Ces moments simples sont tellement valorisants car ils demandent de la privation, des efforts et se transforment en étapes presque indispensables pour compenser le manque de confort et des proches, ainsi qu’apporter un soupçon de stabilité dans cet océan d’incertitudes et de vie en marge de la société.
Nous avons parcouru plus de 1.300 kilomètres en 5 jours et nous arrivons enfin à Vancouver. Retrouver un peu de civilisation et l’ambiance d’une grande ville étaient les objectifs de la fin de trip. Nous étions loin de nous douter de la triste réalité…