Thaïlande

Chapitre 2 : Retour à la réalité

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La vibration de mon téléphone contre la petite étagère en bois me sort de mon inconscience. Il est 8 heures du matin, les rayons du soleil chatouillent timidement mon visage et me poussent à ouvrir les yeux lentement. J’arrête mon alarme, me frotte les mirettes et m’empare de mon téléphone. Afin de me réveiller, mon premier réflexe est de scroller, sans but, les réseaux sociaux. Tout d’un coup, je tombe sur une photo de Jeff, moi et un pote d’Aaron. C’est ce dernier qui l’a postée sur Facebook. Je souris, me rappelant la rencontre lunaire avant de gravir les marches vers le temple d’Or de Dambulla.

La photo, sous un autre angle, postée par un pote d’Aaron

Cependant, quelque chose me chiffonne. Les commentaires sous la photo me sortent de mon état végétatif.

J’ai l’impression d’être la représentation personnifiée du coronavirus. J’ai un long moment de remise en question. Suis-je en train de véhiculer le virus sans le savoir ? Les gens me perçoivent-ils comme cela ? Mon voyage va-t-il se compliquer encore un peu plus ? Après toutes les péripéties qui me sont déjà arrivées en trois mois, je songe tout simplement à prendre un break. Je me suis toujours résolu à continuer à voyager, quoiqu’il arrive, mais je commence à redouter un retour de flamme encore plus important.

Tu es Français ? Tu viens d’Europe ? Tu vas où ? Tu as désinfecté tes mains ?

Je me rends compte, malgré la gentillesse des habitants, que les regards commencent peu à peu à changer. “Tu es Français ? Tu viens d’Europe ? Tu vas où ? Tu as désinfecté tes mains ?” Les questions sont de moins en moins innocentes et semblent être une manière pour la population de prendre ses distances. La plupart retrouve le sourire quand je leur dis que je suis Belge et que je ne viens pas directement d’Europe. Cependant, il est certain qu’une partie d’entre eux tient les touristes responsables de l’arrivée du virus. Je prends contact avec des potes voyageurs. Ceux qui parcourent le Sri Lanka ne sont plus pris par les tuk-tuks, en Inde certains se font virer des hostels, d’autres en Thaïlande sont ignorés lors de leurs tentatives d’auto-stop. Le voyage perd dès lors de sa saveur car il est synonyme de stress pour les backpackers et les locaux également.

Au cours de la journée, mon téléphone sonne de nouveau. Un message provenant de Booking me signalant que je ne pourrai pas rester dans un hôtel que j’avais réservé.

Impossible de rester dans le logement que j’avais choisi

Je sens le vent tourner de plus en plus. J’observe les données sur le coronavirus et me rend compte que l’épidémie se propage de plus en plus. J’hésite à rentrer car les statistiques concernant la Thaïlande restent très favorables comparativement à l’Europe. Cependant, la possibilité de rester coincé m’effraie quelque peu. En particulier au vu des réactions de certains locaux. Que pourrait-il m’arriver si je décide de rester ? Deviendrais-je la cible de moqueries, discriminations ou réactions disproportionnées. Je tente de relativiser, mais observe comment les asiatiques se font brutaliser en Europe.   

L’être humain préfère généralement les raccourcis simplistes à la nuance. Pour mon propre bien-être, je décide de regarder les vols d’avions pour revenir en Belgique. Le risque d’un confinement plane de plus en plus et des rumeurs circulent concernant la fermeture de l’espace aérien et des frontières. J’estime avoir eu ma dose de mauvaises nouvelles en 2020. Cette fois-ci, je veux être prévoyant et acheter directement mon billet d’avion. Il est prévu pour le 19 mars, avec un retour effectif en Belgique le lendemain. Deux jours après l’annonce officielle du confinement. Je préviens mes compagnons de chambre en leur expliquant que j’ai décidé de rentrer. Au sein même de mon dortoir, les avis sont partagés. Certains sont paniqués et ont décidé de prendre un billet également, d’autres au contraire comparent le virus à une “grippette qui va vite passer”.  Cependant, alors que je me rends à l’aéroport le jour de mon départ, je constate que les prix des vols augmentent de façon déraisonnable. J’ai eu la chance d’obtenir un vol très bon marché – environ 300 euros -, mais quelques jours plus tard ce même vol se chiffre presque à 1.000 euros !

De nombreux vols annulés au cours de la journée

L’étau se resserre de plus en plus. Alors que j’attends patiemment pour embarquer, je me rends compte que bon nombre de vols sont en train d’être annulés. Mon avion est retardé, mais très rapidement, je monte à bord. Alors que certains passagers ne portent même pas de masque, je conserve le mien sur le visage. Depuis mon voyage à Pékin, j’ai pris l’habitude de le revêtir dans les lieux fermés et très fréquentés: aéroport, gare des bus, métros, etc. Après plus d’une dizaine d’heures de vol, je débarque à Bruxelles. Premier étonnement, aucun contrôle. Je suis quasiment l’une des seules personnes à porter un masque, il n’y a pas de vérification de température, aucun distributeur de gel hydroalcoolique. J’ai le sentiment de revenir en arrière. Je prends un train en direction de Charleroi pour commencer ma quarantaine. Les rues sont vides, tout est fermé et à l’arrêt. Les mois suivants s’annoncent décidément dans la continuité du début d’année… Voilà qui met fin à presque 32 mois de voyage. Le besoin de me reposer et me ressourcer est plus présent que jamais. J’ai besoin d’un peu de stabilité et de repos. Cependant, le fruit ne tombe jamais très loin de l’arbre, cette envie de voyager me poursuivra encore. Ce n’est que le début…

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